Une rencontre s'est tenue à l'IISMM-EHESS,le 9 novembre 2018, autour de l’ouvrage de Youssouf T. Sangaré : Le Scellement de la prophétie en islam (Paris, Geuthner, 428 p). Outre l'auteur, la rencontre était animée par Pierre Lory (diretceur d'études à l'EPHE) et Hassan Bouali (doctorant à l'Université Paris-Nanterre).
Nous vous proposons, dans la présente vidéo, l'intervention de Pierre Lory à propos de l'ouvrage et des questions qu'il soulève.
Nous vous proposons, dans la présente vidéo, l'intervention de Pierre Lory à propos de l'ouvrage et des questions qu'il soulève.
Préface de l'ouvrage par Abdelmajid Charfi
« Axiome théologique de valeur primordiale », selon l’expression du grand arabisant français Regis Blachère, le scellement de la prophétie par Muḥammad mérite incontestablement qu’on l’étudie dans ses différentes acceptions dans la pensée islamique aussi bien classiques que modernes.
C’est à cette tâche que s’est attelée avec bonheur Youssouf T. Sangaré en lui consacrant toute une thèse de doctorat. Il a commencé naturellement par dresser le bilan des études qui lui ont été consacrées. Puis il a entamé sa réflexion à partir des données lexicologiques avant de s’intéresser à la perspective coranique de la notion de prophète et de prophétie.
Tant les données fournies par les traditions prophétiques (ḥadīths) que celles produites par les générations successives d’exégètes et de penseurs (Ibn Sīna, Ghazālī, Ibn Taymiyya, etc.) sont lourdes de significations. Elles dénotent toutes un intérêt certain et continu pour une notion qui pourtant ne figure qu’une seule fois dans le Coran.
À la lecture de la thèse remaniée, riche et bien documentée, de Y. Sangaré le lecteur se rend compte des implications de cette notion sur les plans cognitif, théologique, philosophique, législatif. Et si l’auteur suit les attitudes d’un certain nombre de penseurs musulmans modernes et contemporains, il n’a de cesse de relever les nuances de ces attitudes et en quoi elles se complètent plus qu’elles ne s’éliminent, alors que leurs auteurs appartiennent à des contextes géographiques et culturels différents, de l’Inde au Maghreb en passant par l’Iran, l’Égypte et la Syrie.
Cependant, à l’exception notable de M. ‘Abduh, ils n’appartiennent pas au corps traditionnel des Ulamas qui sont les représentants de l’institution religieuse officielle. Ce qui en dit long sur la capacité ‒ ou plutôt l’incapacité ‒ de cette institution de se renouveler et de mettre en question le consensus figé des prédécesseurs auquel elle se considère liée, alors même que ce fameux consensus est à la fois fictif et sélectif.
En récapitulant les différentes acceptions du scellement de la prophétie en Islam on mesure toute la difficulté de la pensée religieuse à se libérer des carcans des catégories en usage dans les sociétés humaines sacralisées et pré-modernes, où l’homme n’assure pas l’entière responsabilité de ses actes et ressent le besoin de les faire endosser par une autorité supra-humaine, présente dans le sunnisme dans les prescriptions coraniques et dans le shiisme dans l’enseignement des imams. Dans les deux cas la prophétie n’est pas scellée, située historiquement, puisqu’elle continue sous d’autres formes qui se réfèrent explicitement ou implicitement à son autorité a-historique.
Besoin anthropologique, dirait-on. Certes, mais un besoin que la modernité, sous ses effets moraux et matériels, s’est chargée de démasquer, en mettant l’homme moderne face à sa liberté et à sa responsabilité. C’est cette dimension dans l’ouvrage de Y. Sangaré qui nous semble la situer dans les préoccupations actuelles dont les répercussions intéressent non seulement les musulmans de différentes obédiences, mais également les adeptes des autres traditions religieuses et même les agnostiques et les incroyants, dans la mesure où la référence à une conception religieuse peut amener à la fraternité entre les peuples comme elle peut amener à la violence et à la barbarie.
C’est à cette tâche que s’est attelée avec bonheur Youssouf T. Sangaré en lui consacrant toute une thèse de doctorat. Il a commencé naturellement par dresser le bilan des études qui lui ont été consacrées. Puis il a entamé sa réflexion à partir des données lexicologiques avant de s’intéresser à la perspective coranique de la notion de prophète et de prophétie.
Tant les données fournies par les traditions prophétiques (ḥadīths) que celles produites par les générations successives d’exégètes et de penseurs (Ibn Sīna, Ghazālī, Ibn Taymiyya, etc.) sont lourdes de significations. Elles dénotent toutes un intérêt certain et continu pour une notion qui pourtant ne figure qu’une seule fois dans le Coran.
À la lecture de la thèse remaniée, riche et bien documentée, de Y. Sangaré le lecteur se rend compte des implications de cette notion sur les plans cognitif, théologique, philosophique, législatif. Et si l’auteur suit les attitudes d’un certain nombre de penseurs musulmans modernes et contemporains, il n’a de cesse de relever les nuances de ces attitudes et en quoi elles se complètent plus qu’elles ne s’éliminent, alors que leurs auteurs appartiennent à des contextes géographiques et culturels différents, de l’Inde au Maghreb en passant par l’Iran, l’Égypte et la Syrie.
Cependant, à l’exception notable de M. ‘Abduh, ils n’appartiennent pas au corps traditionnel des Ulamas qui sont les représentants de l’institution religieuse officielle. Ce qui en dit long sur la capacité ‒ ou plutôt l’incapacité ‒ de cette institution de se renouveler et de mettre en question le consensus figé des prédécesseurs auquel elle se considère liée, alors même que ce fameux consensus est à la fois fictif et sélectif.
En récapitulant les différentes acceptions du scellement de la prophétie en Islam on mesure toute la difficulté de la pensée religieuse à se libérer des carcans des catégories en usage dans les sociétés humaines sacralisées et pré-modernes, où l’homme n’assure pas l’entière responsabilité de ses actes et ressent le besoin de les faire endosser par une autorité supra-humaine, présente dans le sunnisme dans les prescriptions coraniques et dans le shiisme dans l’enseignement des imams. Dans les deux cas la prophétie n’est pas scellée, située historiquement, puisqu’elle continue sous d’autres formes qui se réfèrent explicitement ou implicitement à son autorité a-historique.
Besoin anthropologique, dirait-on. Certes, mais un besoin que la modernité, sous ses effets moraux et matériels, s’est chargée de démasquer, en mettant l’homme moderne face à sa liberté et à sa responsabilité. C’est cette dimension dans l’ouvrage de Y. Sangaré qui nous semble la situer dans les préoccupations actuelles dont les répercussions intéressent non seulement les musulmans de différentes obédiences, mais également les adeptes des autres traditions religieuses et même les agnostiques et les incroyants, dans la mesure où la référence à une conception religieuse peut amener à la fraternité entre les peuples comme elle peut amener à la violence et à la barbarie.
Abdelmajid Charfi
Président de l’Académie Tunisienne Beït al-Hikma
Ancien doyen de la faculté des sciences humaines et sociales
de Tunis
Président de l’Académie Tunisienne Beït al-Hikma
Ancien doyen de la faculté des sciences humaines et sociales
de Tunis
Introduction générale de l'ouvarge
La notion de khatm al-nubuwwa (fin de la prophétie) a fait l’objet, jusqu’à nos jours, de nombreuses études ou approches que l’on peut repartir en trois catégories : a) historique, par exemple chez Y. Friedmann [1], b) comparative, par exemple chez G. Stroumsa [2] et c) apologétique, par exemple chez Aḥmad S. Ḥamdān al-Ghāmidī [3].
Ces études, malgré l’érudition de leurs auteurs, n’épuisent pas la notion en question. En effet, si nous prenions le cas de l’approche historique par exemple, l’étude d’Y. Friedmann impressionne par l’érudition de son auteur et la connaissance profonde qu’il expose sur l’histoire des idées en Islam. G. Monnot, dans son compte rendu de l’ouvrage de Y. Friedmann, écrit qu’on ne
C’est dans cette optique que G. Monnot, avant de conclure son compte rendu, réclame une étude qui situerait la notion de « sceau des prophètes » à « l’intérieur d’une étude générale de la prophétologie coranique » [6]. Une telle étude est-elle possible ? Cette question est loin d’être fortuite, notamment quand nous savons qu’il n’existe, dans le Coran, qu’une seule occurrence de l’expression khātam al-nabiyyīn (sceau des prophètes) en Cor 33, 40. Y-a-t-il là une indication sur l’importance que le Coran accorde à cette idée ? Comment comprendre que sur plus de six mille versets, il n’existe qu’une seule référence à celle-ci et de manière laconique :
La mise en rapport de ces relectures avec les premières interprétations permettra ainsi de suivre, de manière concrète, l’évolution de la pensée islamique sur une thématique centrale – car liée à la prophétie. Elle permettra aussi de montrer comment, dans la pensée islamique contemporaine, des auteurs tentent d’extraire l’héritage prophétique des problématiques remontant aux premières générations.
Pour traiter notre sujet, nous optons pour l’approche diachronique qui permettra de mettre en rapport les relectures évoquées avec les interprétations classiques du Cor 33, 40. Pour ce faire, il nous faut préciser le cadre temporel de notre enquête, puisque, en effet, l’approche diachronique ne peut s’exercer que dans des limites bien fixées. Pour mener à bien une investigation sur les interprétations remontant aux premiers siècles de l’Islam, nous avons choisi pour repère temporel la période allant de la mort du Prophète, en 11/632, à celle d’Ibn Taymiyya, en 728/1328. D’après les sources musulmanes, les premières interprétations et controverses autour de l’expression khātam al-nabiyyīn remontent au lendemain de la mort du Prophète, en particulier à ‘Ā’isha, son épouse. Les récits de ces lectures nous servirons donc de point de départ. Par la suite, à travers l’approche diachronique, nous nous emploierons à suivre leur évolution et leur réception dans les sources et chez les auteurs musulmans. Le savant damascène, Ibn Taymiyya, ayant été le dernier auteur de la période médiévale à proposer une interprétation critique et singulière de cet hapax, l’année de son décès marque la limite temporelle de cette première enquête historique. Quant aux corpus et auteurs qui serviront de base à cette enquête, leur choix sera justifié au moment opportun.
En ce qui concerne la seconde phase de notre enquête historique, nous avons choisi pour limite temporelle la période allant de la seconde moitié du xixe siècle à nos jours. Depuis le xixe siècle et jusqu’à nos jours, la notion de khatm al-nubuwwa occupe une place de choix dans le projet de revivification de la pensée islamique de plusieurs auteurs. Le choix de ces auteurs fera l’objet d’une justification dans le chapitre consacré à ces relectures. Cette partie de notre étude nous permettra de mesurer la rupture entre les lectures formulées dans les premiers siècles de l’Islam et les idées avancées par des auteurs modernes et contemporains. Elle nous permettra aussi de mettre en exergue comment la notion de scellement de la prophétie est au cœur de la réinterprétation de l’héritage prophétique et comment celle-ci s’est transformée en un concept dynamique dans le cadre des projets de rénovation de la pensée islamique.
Nous avons fait le choix de ne pas préciser de cadre temporel dans le titre de notre étude, car ce que nous interrogeons et mettons en avant est la dynamique historique dans les interprétations du khatm al-nubuwwa au sein de la pensée islamique. Pour cette raison, nous proposons à l’intérieur de chaque partie un découpage du temps permettant de coupler diachronie et synchronie.
Cette approche, synchronique et diachronique, s’explique par le fait que « l’histoire n’est pas réductible à la diachronie et restituer le travail de l’historicité à l’œuvre dans les sociétés relève aussi d’une approche synchronique » [9]. Ainsi, si notre découpage des périodes historiques nous permettra de suivre de près l’évolution des interprétations de la notion étudiée, il n’a pas pour but de dérouler une lecture linéaire des sources mais, plutôt, de tenir compte de l’historicité propre à chaque période.
Ces études, malgré l’érudition de leurs auteurs, n’épuisent pas la notion en question. En effet, si nous prenions le cas de l’approche historique par exemple, l’étude d’Y. Friedmann impressionne par l’érudition de son auteur et la connaissance profonde qu’il expose sur l’histoire des idées en Islam. G. Monnot, dans son compte rendu de l’ouvrage de Y. Friedmann, écrit qu’on ne
« sait s’il faut y admirer surtout le souci constant de références précises, ou l’ampleur de l’enquête sous-jacente à travers la littérature ahmadie » [4].Mais plus loin, parlant de la partie de l’ouvrage consacrée à la notion de « sceau des prophètes » dans la période médiévale, G. Monnot soutient que l’argumentation de l’auteur est beaucoup trop peu, pour établir que l’affirmation coranique (33 : 40) sur Muhammad « Sceau des prophètes » ne le désigne pas comme le dernier d’entre eux. L’argumentation de l’auteur, en dépit de sa grande érudition […] nous paraît faible et forcée [5].
C’est dans cette optique que G. Monnot, avant de conclure son compte rendu, réclame une étude qui situerait la notion de « sceau des prophètes » à « l’intérieur d’une étude générale de la prophétologie coranique » [6]. Une telle étude est-elle possible ? Cette question est loin d’être fortuite, notamment quand nous savons qu’il n’existe, dans le Coran, qu’une seule occurrence de l’expression khātam al-nabiyyīn (sceau des prophètes) en Cor 33, 40. Y-a-t-il là une indication sur l’importance que le Coran accorde à cette idée ? Comment comprendre que sur plus de six mille versets, il n’existe qu’une seule référence à celle-ci et de manière laconique :
Mā kāna Muḥammadun abā aḥadin min rijālikum wa-lākin rasūla Allāhi wa-khātama al-nabiyyīna wa-kāna Allāhu bi-kulli shay’in ‘alīmanDans sa traduction du Coran, R. Blachère écrit en note, à propos de cette expression, qu’il s’agit d’« un axiome théologique de valeur primordiale ». Il ajoute aussitôt qu’elle ne « se trouve cependant énoncée qu’ici [Cor 33, 40], dans le Coran » [7]. Cette remarque, sous forme de mise en garde, confirme la difficulté que nous signalons, à savoir si toute étude de cet hapax, à l’intérieur du Coran, n’est pas vouée à l’échec. Néanmoins, la note de R. Blachère soulève cette interrogation : comment cet hapax est-il devenu « un axiome théologique de valeur primordiale » ? Répondre à une telle question nécessiterait de conduire une enquête historique permettant de dresser un tableau précis de la réception de ce passage coranique dans les premiers siècles de l’Islam [8]. Mais la réception et l’interprétation de celui-ci ne se limitent pas aux seuls premiers siècles. En effet si, jusqu’ici, les orientalistes et islamologues se sont exclusivement intéressés aux lectures du Cor 33, 40, chez les premiers auteurs musulmans, il ne nous paraît pas adéquat de continuer d’ignorer les relectures modernes et contemporaines de ce passage. Plusieurs auteurs, de Sayyid Aḥmad Khān (m. 1889) à Muḥammad Shahrūr (né en 1938) en passant par Muḥammad Iqbāl (m. 1938) et Fazlur Rahman (m. 1988), se proposent de renouveler les termes du débat à ce sujet et situent la notion de scellement de la prophétie au cœur de leur philosophie de l’histoire. Sous leur plume, khatm al-nubuwwa devient révélateur d’un ensemble de questions qui dépassent le seul fait de savoir si la prophétie continue ou s’arrête après Muḥammad. Par le biais de cette notion, c’est le rapport de l’Islam à la raison, à l’histoire, à la modernité qu’ils interrogent.
La mise en rapport de ces relectures avec les premières interprétations permettra ainsi de suivre, de manière concrète, l’évolution de la pensée islamique sur une thématique centrale – car liée à la prophétie. Elle permettra aussi de montrer comment, dans la pensée islamique contemporaine, des auteurs tentent d’extraire l’héritage prophétique des problématiques remontant aux premières générations.
Pour traiter notre sujet, nous optons pour l’approche diachronique qui permettra de mettre en rapport les relectures évoquées avec les interprétations classiques du Cor 33, 40. Pour ce faire, il nous faut préciser le cadre temporel de notre enquête, puisque, en effet, l’approche diachronique ne peut s’exercer que dans des limites bien fixées. Pour mener à bien une investigation sur les interprétations remontant aux premiers siècles de l’Islam, nous avons choisi pour repère temporel la période allant de la mort du Prophète, en 11/632, à celle d’Ibn Taymiyya, en 728/1328. D’après les sources musulmanes, les premières interprétations et controverses autour de l’expression khātam al-nabiyyīn remontent au lendemain de la mort du Prophète, en particulier à ‘Ā’isha, son épouse. Les récits de ces lectures nous servirons donc de point de départ. Par la suite, à travers l’approche diachronique, nous nous emploierons à suivre leur évolution et leur réception dans les sources et chez les auteurs musulmans. Le savant damascène, Ibn Taymiyya, ayant été le dernier auteur de la période médiévale à proposer une interprétation critique et singulière de cet hapax, l’année de son décès marque la limite temporelle de cette première enquête historique. Quant aux corpus et auteurs qui serviront de base à cette enquête, leur choix sera justifié au moment opportun.
En ce qui concerne la seconde phase de notre enquête historique, nous avons choisi pour limite temporelle la période allant de la seconde moitié du xixe siècle à nos jours. Depuis le xixe siècle et jusqu’à nos jours, la notion de khatm al-nubuwwa occupe une place de choix dans le projet de revivification de la pensée islamique de plusieurs auteurs. Le choix de ces auteurs fera l’objet d’une justification dans le chapitre consacré à ces relectures. Cette partie de notre étude nous permettra de mesurer la rupture entre les lectures formulées dans les premiers siècles de l’Islam et les idées avancées par des auteurs modernes et contemporains. Elle nous permettra aussi de mettre en exergue comment la notion de scellement de la prophétie est au cœur de la réinterprétation de l’héritage prophétique et comment celle-ci s’est transformée en un concept dynamique dans le cadre des projets de rénovation de la pensée islamique.
Nous avons fait le choix de ne pas préciser de cadre temporel dans le titre de notre étude, car ce que nous interrogeons et mettons en avant est la dynamique historique dans les interprétations du khatm al-nubuwwa au sein de la pensée islamique. Pour cette raison, nous proposons à l’intérieur de chaque partie un découpage du temps permettant de coupler diachronie et synchronie.
Cette approche, synchronique et diachronique, s’explique par le fait que « l’histoire n’est pas réductible à la diachronie et restituer le travail de l’historicité à l’œuvre dans les sociétés relève aussi d’une approche synchronique » [9]. Ainsi, si notre découpage des périodes historiques nous permettra de suivre de près l’évolution des interprétations de la notion étudiée, il n’a pas pour but de dérouler une lecture linéaire des sources mais, plutôt, de tenir compte de l’historicité propre à chaque période.
Pour conduire cette étude, nous suivons le plan suivant : notre recherche débute par un état des lieux des études relatives à la notion de khatm al-nubuwwa. Cet état des lieux sera suivi de deux chapitres qui nous permettrons à poser le décor de notre étude et à fixer le cadre sémantique dans lequel s’insère la nubuwwa (prophétie) et ses thèmes adjacents. Ainsi, nous conduirons, dans le premier chapitre, une étude sur les mots-clés de notre sujet, en nous appuyant sur les ouvrages lexicographiques arabes. Dans le second chapitre, nous nous emploierons à l’examen de la notion coranique de prophétie afin de placer, comme l’indiquait avec justesse G. Monnot, notre étude dans une vision globale de la prophétologie coranique et ainsi, par la suite, de pouvoir mieux scruter les interprétations de celle-ci chez les auteurs musulmans.
Notre première partie traitera de l’origine manichéenne supposée de l’expression coranique khātam al-nabiyyīn. À travers cette partie, nous proposerons une approche comparative des notions de prophétie et de sceau des prophètes dans le Coran et dans la doctrine de Mani, fondateur du manichéisme.
Une fois la question de l’influence traitée, notre deuxième partie s’efforcera d’analyser les interprétations et controverses suscitées par l’expression khātam al-nabiyyīn. La période historique couverte ici s’étendra du ie/viie aux viiie/xive siècles. Cette partie débutera par une introduction servant à fixer l’arrière-fond des débats classiques sur la nubuwwa. Elle sera suivie par trois chapitres qui s’articulent comme suit : le premier sera consacré à l’étude des textes issus du corpus des ḥadīths et relatifs au scellement de la prophétie. L’étude de ces textes ainsi que de leurs interprétations est fondamentale pour saisir la manière dont l’hapax coranique est devenu « un dogme théologique de valeur primordiale » (R. Blachère). Dans le second chapitre, nous poursuivrons notre investigation à travers une sélection des premiers corpus en matière de tafsīr. Comment se sont traduits, chez les premiers exégètes, les débats et controverses autour de l’hapax coranique mentionné ? Dans l’avant dernier chapitre de cette partie, nous analyserons deux lectures singulières de cet hapax. Aucune de ces interprétations n’a encore fait l’objet d’une étude académique. Il s’agit des lectures d’A. Ḥ. al-Ghazālī (m. 505/1111) et d’Ibn Taymiyya (m. 728/1328).
La troisième partie sera consacrée aux relectures contemporaines de l’hapax coranique. Nous y analyserons l’évolution des lectures ainsi que la manière dont des auteurs modernes et contemporains tentent, à travers la notion de khatm al-nubuwwa de répondre aux défis majeurs auxquels est confrontée la pensée islamique depuis le xixe siècle au moins. La période historique couverte par cette partie s’étendra de la seconde moitié du xixe siècle à nos jours.
Une fois la question de l’influence traitée, notre deuxième partie s’efforcera d’analyser les interprétations et controverses suscitées par l’expression khātam al-nabiyyīn. La période historique couverte ici s’étendra du ie/viie aux viiie/xive siècles. Cette partie débutera par une introduction servant à fixer l’arrière-fond des débats classiques sur la nubuwwa. Elle sera suivie par trois chapitres qui s’articulent comme suit : le premier sera consacré à l’étude des textes issus du corpus des ḥadīths et relatifs au scellement de la prophétie. L’étude de ces textes ainsi que de leurs interprétations est fondamentale pour saisir la manière dont l’hapax coranique est devenu « un dogme théologique de valeur primordiale » (R. Blachère). Dans le second chapitre, nous poursuivrons notre investigation à travers une sélection des premiers corpus en matière de tafsīr. Comment se sont traduits, chez les premiers exégètes, les débats et controverses autour de l’hapax coranique mentionné ? Dans l’avant dernier chapitre de cette partie, nous analyserons deux lectures singulières de cet hapax. Aucune de ces interprétations n’a encore fait l’objet d’une étude académique. Il s’agit des lectures d’A. Ḥ. al-Ghazālī (m. 505/1111) et d’Ibn Taymiyya (m. 728/1328).
La troisième partie sera consacrée aux relectures contemporaines de l’hapax coranique. Nous y analyserons l’évolution des lectures ainsi que la manière dont des auteurs modernes et contemporains tentent, à travers la notion de khatm al-nubuwwa de répondre aux défis majeurs auxquels est confrontée la pensée islamique depuis le xixe siècle au moins. La période historique couverte par cette partie s’étendra de la seconde moitié du xixe siècle à nos jours.
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[1] Yohanan Friedmann, Prophecy continuous: Aspects of Aḥmadī Religious Thought and Its Medieval Background, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1989. L’ouvrage reprend et développe plus amplement un article du même auteur publié en 1986 et intitulé : « Finality of Prophethood in Sunnī Islam », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 7 (1986), p. 177-215.
[2] Gedaliahu Guy Stroumsa, Savoir et Salut, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines », p. 275-288.
[3] Aḥmad S. Ḥamdān al-Ghāmidī, ‘Aqīdat khatm al-nubuwwa bi-l-nubuwwa al-Muḥammadiyya, Riyad, Dār al-Ṭayba, 1985, 334 p.
[4] Guy Monnot, ASSR, 1/74 (1991), p. 245.
[5] Ibid., p. 246.
[6] Ibid.
[7] Régis Blachère Le Coran (al-Qor’ân), Paris, Maisonneuve et Larose, 1966, p. 450.
[8] Dans le présent travail, les expressions « période classique » et « premiers siècles de l’Islam » désignent la période allant des débuts de la prédication prophétique à la fin du viiie/xive siècle. Autrement dit, de la période couverte par la première partie de notre investigation sur les réceptions de l’hapax coranique du ie/viie au viiie/xive siècles.
[9] Nadine Picaudou, L’islam entre religion et idéologie : essai sur la modernité musulmane, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2010, p. 17.
[1] Yohanan Friedmann, Prophecy continuous: Aspects of Aḥmadī Religious Thought and Its Medieval Background, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1989. L’ouvrage reprend et développe plus amplement un article du même auteur publié en 1986 et intitulé : « Finality of Prophethood in Sunnī Islam », Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 7 (1986), p. 177-215.
[2] Gedaliahu Guy Stroumsa, Savoir et Salut, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines », p. 275-288.
[3] Aḥmad S. Ḥamdān al-Ghāmidī, ‘Aqīdat khatm al-nubuwwa bi-l-nubuwwa al-Muḥammadiyya, Riyad, Dār al-Ṭayba, 1985, 334 p.
[4] Guy Monnot, ASSR, 1/74 (1991), p. 245.
[5] Ibid., p. 246.
[6] Ibid.
[7] Régis Blachère Le Coran (al-Qor’ân), Paris, Maisonneuve et Larose, 1966, p. 450.
[8] Dans le présent travail, les expressions « période classique » et « premiers siècles de l’Islam » désignent la période allant des débuts de la prédication prophétique à la fin du viiie/xive siècle. Autrement dit, de la période couverte par la première partie de notre investigation sur les réceptions de l’hapax coranique du ie/viie au viiie/xive siècles.
[9] Nadine Picaudou, L’islam entre religion et idéologie : essai sur la modernité musulmane, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2010, p. 17.