Samir Abu-Absi est professeur émérite d'anglais à l'Université de Toledo dans l'Ohio (MA et doctorat en linguistique de l'Université de l'Indiana). Il a enseigné la langue et les cours de linguistique qui comprennent l'histoire de la langue anglaise, la phonologie, la linguistique appliquée et la langue arabe. Ses intérêts de recherche portent sur le programme ESL (English as a Second Language), les politiques linguistiques et structures de planification, la langue arabe et la relation entre langue et culture. (Photo from Department of English Language and Literature-University of Toledo website ©)
Introduction
Par le Professeur Samir Abu-Absi
(traduction par Amine Djebbar pour Les cahiers de l'Islam)
L'arabe est l'une des principales langues parlées au monde avec plus de 300 millions de personnes dans divers pays arabes l’utilisant comme langue maternelle (1). Elle est aussi majoritairement utilisée en République centrafricaine du Tchad, pays non-arabe, et de façon minoritaire dans plusieurs autres pays, dont l'Afghanistan, Israël (où l'arabe et l'hébreu sont conjointement langues officielles), l'Iran et le Nigeria. En 1974, l'arabe a été adopté comme l'une des six langues officielles des Nations Unies, rejoignant le chinois, l'anglais, le français, le russe et l'espagnol. Plus d'un milliard de musulmans dans des pays comme l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan et la Tanzanie étudient l'arabe comme langue étrangère principale ou secondaire pour l'usage liturgique et savant. Aux États-Unis, plusieurs communautés musulmanes et arabes utilisent l'arabe dans leurs échanges quotidiens et à des fins religieuses.
Histoire et évolution de la langue arabe
Le plus ancien exemple connu, d’Arabe consigné, est une inscription trouvée dans le désert syrien et datant du IVe siècle après JC. Les tribus arabes préislamiques qui ont vécu dans la péninsule arabique et dans les régions voisines ont eu une florissante tradition orale poétique. Mais, jusqu'au huitième siècle de notre ère, elle ne fut pas systématiquement rassemblée et enregistrée sous forme écrite. Ce langage poétique, sans doute le résultat de la fusion de divers dialectes, finit par être considéré comme un style littéraire ou raffiné qui représentait un lien culturel entre les différentes tribus.
Le Prophète Muhammad (Pbsl) a reçu les messages de Dieu en arabe par l’intermédiaire de l'ange Gabriel sur une période de vingt-trois ans, de 610 à 632 après JC. Le Saint Coran, contenant ces messages, fut initialement mémorisé par des récitants professionnels (hufaz et qura '). Avec la propagation de l'Islam, différents accents dans la prononciation du Coran apparurent jusqu'à ce qu'une version normalisée (avec des notations pour les différents accents) soit achevée sous le troisième calife, Uthman Ibn Affan, au milieu du septième siècle de notre ère. Comme de plus en plus de non-arabophones se convertirent à l'islam, le Coran devint le lien le plus important entre les musulmans, Arabes et non-Arabes, vénéré pour son contenu et admiré pour la beauté de son langage. Les Arabes, indépendamment de leur religion, et les musulmans, quel que soit leur origine ethnique, tiennent en plus haute estime la langue arabe et la considère comme le véhicule d'un riche patrimoine culturel. C'est cette relation intime entre le Coran et l'arabe qui a donné à la langue son statut spécial et qui a contribué à l'arabisation de populations diverses.
La diffusion de la langue arabe
Au début du VIIIe siècle, l'empire arabo-islamique s’étendit de la Perse à l'Espagne, entrainant la cohabitation entre Arabes et populations locales qui parlaient des langues différentes. En Syrie, au Liban et en Palestine, où la majorité de la population parlait un dialecte araméen et où les tribus arabes étaient présentes dans le voisinage, les langues locales furent, pour la plupart, remplacées par l'arabe. En Irak, l'arabe devint la langue dominante dans une population qui parlait l'araméen et le persan. Un processus plus progressif d'arabisation se produisit en Egypte où le copte et le grec étaient les deux langues dominantes. En Afrique du Nord où les dialectes berbères étaient parlés et sont encore utilisés dans certaines régions, le processus d'arabisation fut moins complet. La Perse et l'Espagne, cependant, conservèrent leurs langues d’origines respectives.
Durant les premiers jours de l'Empire, la majorité de la population ne semble pas avoir utilisé uniquement la langue arabe. L'interaction de l'arabe avec d'autres langues a conduit à l'emprunt d'un nouveau vocabulaire qui a enrichi la langue dans des domaines tels que les pouvoirs publics, l'administration et la science. Ceci, en addition aux riches ressources internes de l'arabe, a permis à la langue de devenir un moyen approprié pour gouverner un vaste empire. Sous la dynastie des Omeyyades (661-750 ap JC), avec Damas comme centre du pouvoir califale, l'arabe a conservé sa tradition d'excellence comme langue de poésie, enrichissant sa littérature avec des traductions de textes persans ou en provenance d'autres langues, et a acquis une nouvelle terminologie dans divers champs d'études comme la linguistique, la philosophie et la théologie. Sous le règne des Abbassides de Bagdad (750-1258 ap J.C), la littérature arabe atteignait son âge d'or alors que les études linguistiques atteignaient un nouveau niveau de sophistication.
De nombreux chercheurs, arabes et non arabes, musulmans, chrétiens et juifs, participèrent au développement de la vie intellectuelle en préférant utiliser la langue arabe. Un effort systématique de traduction à partir de diverses sources avait fait de l'arabe le moyen savant le plus approprié de l'époque dans des disciplines telles que la philosophie, les mathématiques, la médecine, la géographie et dans les diverses branches de la science. Beaucoup de mots empruntés au cours de cette période furent facilement assimilés en arabe et ensuite transmis à d'autres langues.
Une période de déclin commença au XIe siècle résultant de plusieurs facteurs, comme le début des Croisades, l'agitation politique en Espagne, les invasions turques et mongoles à l'Est, et les divisions internes au sein de l'Empire. Cela marqua une période de relative stagnation pour l'arabe, même si son statut de langue de l'Islam ne fut jamais été menacé.
Le XIXe siècle a vu une période de renouveau intellectuel qui débuta en Egypte et en Syrie puis se propagea dans le reste du monde arabe, en commençant par l'expédition napoléonienne en Egypte, en 1798. L’expédition avait prévue l'introduction de la première imprimerie arabe en Egypte, et la traduction de nombreuses œuvres littéraires occidentales en langue arabe. Ce premier contact fut poursuivi par Muhammad Ali, un souverain éclairé égyptien, qui envoya des étudiants en France et dans d'autres pays pour étudier diverses disciplines; ces derniers revinrent en Egypte en tant que professeurs et écrivains. Le Liban avait été en contact avec l'Occident dès le XVIIe siècle, et avait maintenu un fort lien religieux avec certains groupes européens. D'autres influences occidentales provinrent d'immigrants arabes vers les Amériques et des missionnaires qui contribuèrent à la mise en place de langues étrangères, principalement l'anglais et le français, comme éléments importants du système éducatif dans certaines parties du monde arabe.
La flambée initiale d’enthousiasme à l'égard de l'occidentalisation s'est heurtée aux mouvements indépendantistes nationalistes qui étaient une réponse naturelle à la colonisation européenne dans la région. Ces mouvements étaient généralement liés aux deux grands piliers du nationalisme arabe : la religion musulmane et la langue arabe. Ainsi, les intellectuels arabes se sont trouvés déchirés entre le riche et glorieux patrimoine du passé et un avenir qui était devenu de plus en plus associé à la technologie occidentale et la modernité. Le XIXe siècle a vu le début du développement de la langue arabe en tant que langue moderne viable.
Eléments de structure de la langue arabe
L'arabe, comme toutes les langues sémitiques, se caractérise par l'utilisation de certains schèmes (modèles de formation des mots) permettant d’obtenir des mots à partir de racines abstraites, représentant des notions sémantiques générales ou des significations précises. Ces racines se composent généralement de trois consonnes qui constituent les unités de base pour la formation de nombreux mots dérivés de cette racine.
Par exemple, la racine KTB, qui est associée à la notion de «l'écriture» se retrouve dans le verbe dérivé KaTaB "a écrit" et KTuB «écrit», qui peut être conjugué par l'ajout de préfixes et de suffixes appropriés.
Ainsi, le « schème » KaTaB peut être représentée par le schéma C1aC2aC3 où C1= K, C2 = T, et C3 = B. Une modification de ce schème en C1aC2C2aC3 (doublement de la consonne médiane de la racine) se traduit par le schème KaTTaB qui a le sens causal «a fait écrire» (quelqu'un). D'autre part, l'allongement de la première voyelle du schème (C1AAC2aC3), le dérive en KaaTaB, qui signifie «correspondre». L'ajout du préfixe «ta» aboutit à taKaaTaB, incluant la notion de réciprocité (correspondances échangées avec une personne). La racine d’un verbe peut théoriquement se présenter sous la forme de quinze schèmes, bien que cinq d'entre eux soient extrêmement rares.
Chacun de ces schèmes peut être modifié pour indiquer une voix passive et un présent : par exemple KuTiB «a été écrit», yaKTuB «écrit» et yuKTaB "est écrit ".
En modifiant les consonnes « de base » des racines, en utilisant diverses combinaisons de voyelles, et en utilisant des préfixes et des suffixes différents, de nombreuses possibilités existent pour dériver des noms, des adjectifs et des adverbes à partir d’une racine donnée. Par exemple, les mots suivants qui sont tous dérivés de KTB, peuvent être trouvés dans un dictionnaire classique : KiTaaB "livre", KuTuBii «libraire», KuTTaaB «école primaire ou coranique», KuTayyiB «livret», KiTaaBa «écriture/script», KiTaaBaat «écritures, essais», KiTaaBii «écrit, littéraire», maKTaB «bureau, le Bureau de», maKTaBii «d'un bureau», maKTaBa «bibliothèque», miKTaaB «machine à écrire », muKaaTaBa «correspondance», iKtiTaaB «inscription, enregistrement», istiKTaaB «dictée »,«KaaTiB» écrivain», «maKTuuB» «lettre», muKaaTiB «correspondant» et muKtaTiB «abonné» (ouvrage de Cowan).
Beaucoup de ces mots peuvent être mis au pluriel, par exemple Kutub "livres", Kuttab "écrivains", maKTaBaat "bibliothèques", et quelques-uns peuvent être mis au féminin à l’aide d’une terminaison dédiée, par exemple KaaTiba "femme écrivain", muKaaTiBa "correspondantes (femmes)" et KaaTiBaat "femmes écrivains". Les exemples précédents illustrent un modèle riche et varié de schèmes dérivés d'un mot qui peuvent théoriquement permettre d'engendrer des centaines de mots arabes découlant de la même racine.
Orthographe
Le système d'écriture arabe est une adaptation du script nabatéen qui est lui-même une évolution du système d'écriture araméen. Il se compose de vingt-huit lettres qui représentent des consonnes et il s’écrit de droite à gauche. Trois de ces lettres représentant les consonnes / ', w, y / sont également utilisés (2) pour représenter respectivement les voyelles longues /aa, uu, ii/. Les voyelles courtes / a, u, i /, qui peuvent être représentées à l’aide de signes diacritiques au-dessus ou au-dessous d'une lettre, sont normalement omises, sauf dans des situations où une ambiguïté sémantique ou bien de graves erreurs de prononciation ne peuvent être tolérées. Le Coran et la Bible en arabe sont toujours imprimés avec une pleine représentation des voyelles courtes ainsi qu’ avec d’autres signes diacritiques signifiant le doublement des consonnes ou l'absence de voyelle à la suite d'une consonne particulière.
L'écriture arabe est cursive, ce qui signifie que certaines lettres doivent être connectées à d'autres que ce soit dans l'écriture ou l'impression. Bien qu'aucune distinction n’existe entre les lettres majuscules et minuscules, une lettre possède plus d'une forme (comme illustré dans le tableau de l’alphabet arabe) en fonction de sa position dans le mot et des autres lettres qui l'entourent.
Pour illustrer le système, il peut être utile d'utiliser des exemples de mots dérivés de la racine KTB «écriture », qui est respectivement représenté en arabe par les lettres ب, ت, ك. Lorsque ces lettres sont connectées les unes aux autres de droite à gauche, elles se traduisent par un mot qui s'écrit كتب. L'absence de voyelles longues dans ce mot signifie que seules des voyelles courtes peuvent être utilisées dans celui-ci. C‘est pourquoi la lecture du mot peut se révéler ambiguë : KaTaBa «il écrit», KuTiBa «a été écrit», KaTTaBa «a écrit»(quelqu'un)», ou KuTuB «livres». La lecture appropriée des mots précédents est déterminée par le contexte. Le mot KaaTiB «écrivain» et KiTaaB "livre", composés tous les deux de voyelles longues sont respectivement écrits ainsi : كاتب et كتاب .
Dans la période préislamique, l'écriture arabe a souffert d'un certain nombre de lacunes, notamment le manque de lettres pour certaines consonnes et l'absence de tout système d'indication de voyelles. Le système actuel est le résultat d'importantes réformes qui ont été introduites lorsque le système d’écriture a été jugé inadéquat comme outil d'enregistrement et de conservation du Saint Coran. Cette association étroite avec le Coran a accordé un statut sanctifié à une écriture qui est née modestement. Cela a permis de développer une forme d'art unique inégalée par aucune autre tradition calligraphique.
Avec la propagation de l'islam, de nombreux non-Arabes se sont retrouvés à apprendre l'arabe pour pouvoir lire le Coran. Ainsi de nombreuses langues qui tombèrent dans la sphère d’influence de l'arabe au travers de l'Islam ont adopté l'usage de l'écriture arabe. Pour la plupart, ces langues, étaient d'origine non-sémitique, comme le farsi (persan), le pachto, le Kashmiri, l'ourdou, le sindhi, le malais et d'autres (ouvrage de Kaye).
Les variétés dialectales
La variété « haute » est l'arabe classique, dont l'exemple ultime est la langue du Coran, qui est utilisé dans les situations formelles. La variété « basse » fait réfèrence à diverses langues vernaculaires régionales ou à des variétés familières utilisées dans les échanges quotidiens. Bien que cette distinction souvent citée entre l'arabe classique et l'arabe dialectal peut être utile, elle ne représente que les deux pôles d'un continuum qui caractérise plus précisément une situation linguistique complexe. Deux autres variétés sont l'arabe standard moderne et l'arabe parlé enseigné. L'arabe standard moderne, qui est tiré de l'arabe classique, avec quelques modifications grammaticales et de nombreux ajouts de vocabulaire moderne, est la langue de communication écrite à travers le monde arabophone. Lorsque des interlocuteurs éduqués possédant des bagages dialectaux différents échangent oralement, ils ont tendance à utiliser ce qui est parfois connu sous le nom d’«arabe enseigné parlé», un mélange de discours familier et d'arabe moderne standard.
La modernisation et la réforme
L'éveil intellectuel arabe du XIXe siècle conduisit à un appel à l'arabisation que l’on pouvait interpréter comme une conséquence de la politique d’adoption de l'arabe comme langue nationale officielle des Etats nouvellement indépendants. Une seconde interprétation, utilisée par certains auteurs, concerne l'assimilation du vocabulaire étranger au sein de la langue arabe de façon à permettre d'établir un langage adapté à la vie moderne, tout en préservant son caractère essentiel. Les nouvelles exigences de la langue sont venues symboliser le conflit entre le respect de la tradition et le désir de modernité. La modernisation de la langue arabe, un effort dans lequel académies de la langue ainsi que particuliers ont participé, s'est généralement porté sur trois sujets de préoccupation : la réforme de l’orthographe, la simplification grammaticale et le développement du vocabulaire (ouvrage d'Abu-Absi).
La réforme orthographique
Entre 1938 et 1968, l'académie égyptienne reçu plus de 300 propositions de réforme, ce qui démontre le degré d’attention qui s'est portée sur cette question. Ces propositions vont de simples modifications d'orthographiques à un remplacement complet du système existant par l’alphabet latin. Généralement, elles tentaient de résoudre deux problèmes : le coût élevé de l'impression en raison des variations de la forme des lettres en fonction du contexte et la difficulté relative de l'apprentissage du système d'écriture arabe par rapport aux alphabets occidentaux. Les propositions de réforme orthographique ont échoué, soit parce qu'elles représentaient une rupture trop importante avec la tradition, faisaient apparaître des difficultés nouvelles, ou parce qu'elles étaient en deçà des normes esthétiques que les Arabes introduisaient dans le système. Les progrès de la technologie d'impression et l'utilisation accrue des ordinateurs ont résolu la plupart des questions qui préoccupaient les précédents réformateurs.
La simplification grammaticale
La marche vers l’arabisation mis en évidence la situation de diglossie de la langue arabe, un grand écart entre la langue classique et les variantes « familières ». Dans la recherche d'une norme appropriée littéraire et éducative, certains ont défendu l'utilisation de la langue classique avec sa riche histoire tandis que d'autres ont défendu l'utilisation des variantes « familières » qui étaient plus naturelles et moins difficiles à apprendre. Certains partisans du langage « familier » ont même fait valoir que l'arabe classique etait une langue morte qui appartenait à un âge révolu, que sa grammaire était complexe et qu’il lui manquait un vocabulaire scientifique moderne. Les partisans de l'arabe classique ont répliqué en précisant que l'arabe avait, dans le passé, fait les preuves de sa flexibilité et de sa capacité à s'adapter à de nouvelles situations. En outre, il était le lien le plus important parmi les Arabes et jouissait d'une importance capitale pour tous les musulmans, Arabes et non-Arabes.
Après avoir accepté une version modernisée de l'arabe classique (arabe standard moderne) comme norme commune parmi les Arabes, la majorité des intellectuels ont convenu de la nécessité d'une réforme grammaticale et d'une simplification, même s'ils n'étaient pas d'accord sur la nature et l'ampleur de la réforme. Quelques-uns proposèrent l'élimination de certains contrastes grammaticaux non présents dans les dialectes.
Par exemple, la langue littéraire distingue deux variantes des termes «deux livres» KiTaaBaan (lorsqu'il est utilisé comme sujet) et KiTaaBayn (lorsqu'il est utilisé comme objet). L'élimination de la « forme subjective » permettrait de simplifier la grammaire et de la rendre plus proche des dialectes familiers parlés. Ce type de simplification, comme on pouvait s'y attendre, rencontra une forte résistance car il menaçait de provoquer un changement radical de structure dans la langue. Lorsque le sujet de la simplification grammatical est désormais discuté, il se réfère généralement à des méthodes d'enseignement visant à aider les élèves dans l'acquisition de la langue littéraire.
Le développement du vocabulaire
Le développement du vocabulaire scientifique et technique est un processus continu qui a reçu sa juste part d'attention. L'académie syrienne est considérée comme ouvrant la voie depuis le début du XXe siècle et l'Université Syrienne est considéré comme pionnière dans l'utilisation de l'arabe comme langue d'enseignement dans des domaines comme le droit, la science et la médecine. Cependant, le manque de coordination entre les académies et la prolifération d'une nouvelle terminologie a conduit à la création du Bureau de l'arabisation à Rabat en 1961, qui a publié un certain nombre de dictionnaires techniques traitant de diverses disciplines.
La procédure pour introduire un nouveau vocabulaire a idéalement suivi certaines étapes. La première étape consistait à chercher dans les vieux dictionnaires et textes, un mot désuet qui pourrait s'adapter à la signification voulue. Si aucun mot approprié a été trouvé, une traduction littérale du terme a été donnée, par exemple : ‘ilm al -hayaat «sciences de la vie» pour la biologie. Quand une traduction littérale n'était pas possible, alors le fait de forger un nouveau mot à partir d'une racine existant arabe fut recommandé : sayyaara «voiture» dérivé de la racine SYR dont la signification est associée à «mouvement». En dernier recours, il était acceptable d'emprunter un mot étranger et de le modifier pour l'adapter au système phonologique arabe : siinama «cinéma» et fiilm «film».
Dans la pratique courante, cependant, les scientifiques, les enseignants et les journalistes ont été plus pragmatiques et plus libéraux dans leur utilisation des emprunts à l'étranger. Cela s'est traduit par l’adoption de plusieurs mots pour le même concept et l'acceptation dans l'usage courant de mots qui pouvaient ne pas avoir été officiellement approuvés par les académies. En plus des milliers de mots étrangers arabisés qui font maintenant partie de l'arabe standard moderne, la langue a acquis de nombreuses expressions étrangères qui sont plus ou moins littéralement traduites de langues comme le français et l'anglais.
L'ajout d'un grand nombre de mots nouveaux a conduit à faire des efforts considérables dans la lexicographie ou la compilation de dictionnaires. Les traditionnels dictionnaires d’arabe listent les mots par ordre alphabétique en fonction de leur racine formé de consonnes. Ainsi, des mots comme KiTaaB "livre", maKTuuB «lettre» et taKTuBu «elle écrit», sont tous répertoriés sous K, la première lettre de la racine qu'ils partagent tous. La valeur de cet agencement réside dans la révélation des relations entre les différents mots étymologiques. L'utilisation d'un dictionnaire de ce type n'est pas difficile pour ceux qui sont familiers avec la structure morphologique de l'arabe, la tâche devient lourde et difficile pour les débutants qui peuvent ne pas être en mesure d'identifier facilement la racine. Certains dictionnaires récents listent des mots par ordre alphabétique et tentent de combiner le système racinaire traditionnel et le système alphabétique.
L'influence de l'Arabe sur les autres langages
Un coup d'œil rapide sur les mots empruntés de l'arabe en langue anglaise révèle une influence linguistique et culturelle sur l'anglais qui s’étend à l'art, la musique, l'astronomie, l'architecture, la biologie, la chimie, la géographie, les mathématiques, le droit, la littérature, l'armée, les finances et de nombreux autres domaines. Les mots suivants illustrent l'étendue de l'impact culturel et l'influence linguistique que la langue arabe a eu sur l'anglais : admiral, alcohol, alcove, algebra, algorithm, almanac, amber, arabesque, arsenal, artichoke, balsam, caliber, carat, checkmate, chiffon, coffee, coral, cork, cotton, damask, dinar, elixir, endive, fanfare, gazelle, genie, giraffe, guitar, halvah, imam, Islam, jar, jasmine, kabob, lemon, lilac, lute, magazine, massage, mattress, monsoon, natron, orange, organza, poof, Quran, racket, ream, rice, satin, soda, sofa, sultan, sugar, sherif, sherbet, talc, tambourine, ud (ou oud), vizier, wadi, zenith et zero.
Conclusion
Traduction par Amine Djebbar pour Les Cahiers de l'Islam.
Notes :
(1) La Ligue des États arabes se compose de vingt-deux membres : Algérie, Bahreïn, Comores, Djibouti, Egypte, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Palestine, Qatar, Arabie saoudite, Somalie, Soudan, Syrie , Tunisie, Emirats arabes unis et le Yémen. Dans certains de ces pays, la langue arabe peut partager son statut officiel avec une autre langue (français à Djibouti et en Somali) ou il peut ne pas être la première langue d'une grande partie de la population (la communauté kurde en Irak, les Berbères du Nord l'Afrique et de divers groupes ethniques au Sud-Soudan).
(2) Le symbole / '/ représente une consonne qui est connue comme hamza en arabe et comme un "coup de glotte" en phonétique. Le plus proche équivalent anglais de ce son est la prononciation de «tt» dans les mots «bottle» et «button» dans certains dialectes de l'anglais américain.
Ouvrages cités :
Samir Abu-Absi, «La modernisation de la langue arabe: problèmes et perspectives», la linguistique anthropologique, automne 1986, 337-348.
Garland Cannon, "Les contributions arabes à la langue anglaise : un dictionnaire historique". Alan S. Kaye, collaborateur. Wiesbaden: Otto Harrassowitz, 1994.
J. Milton Cowan, éd Arabe-Anglais: "The Hans Wehr dictionnary of Modern Written Arabic", 4e éd. Ithaca, New York: Spoken Language Services, Inc, 1994, 951-52.
Alan S. Kaye, "Adaptation de l'écriture arabe», dans Peter T. Daniels et William Bright, éd. systèmes d'écriture du monde. New York et Oxford: Oxford University Press, 1996 743-62.